samedi 7 juin 2014

L'ivre dort.

L'ivre dort. la tête évanouie dans les bras, contre une pile de vieux livres, l'ivre dort. Les livres sont un tas de feuilles mortes, des livres morts, des livres qui dorment, un peu poussiéreux et jaunis, ils ont une odeur de vieux carton, l'ivre est au chaud dans le nid de ses bras, et le moelleux des vieux papiers et la chaleur de son corps forment un oreiller rassurant. Il est tout au bout d'un comptoir, d'un bistrot de quartier, vieux, usé par le temps, par les souvenirs, par les gens qui sont passés, qui ont rit, qui ont crié, qui ont bu, qui ont mis des petits morceaux empilés de leur banalité quotidienne, le bistrot est un livre, un livre qui fait dormir, c'est un bateau, un bateau chaloupé sur les vagues du passé, qui titube, un bateau ivre. Et l'ivre est épuisé, il dort, il s'est donné à la bataille, combattu avec son foie, combattu avec un soir, un morceau de journée, une poignée de conneries, l'ivre s'est livré au combat, éreinté, il est délivré.
Et la lumière éclaire l'ivre mort, l'ivre qui dort, tout est sombre de la porte en vitres, des tables carrées, du comptoir jusqu'à son nez, et là, une lumière, tout autour de lui, qui ne l'empêche pas de dormir, mais qui l'apaise, qui le montre du doigt, qui le fait truc à raconter, qui le fait livre, qui le fait livre, livre d'or.

Pari Banou

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire