Qu’est-ce qu’être une femme ? Je me
promène, non je ne me promène pas, je marche dans la rue, il est plus de
minuit, les rues sont sombres, je me dis que le manteau de mon ami me donne un
air viril, rebelle, protectif, il met une barrière, il casse la féminité. Les
femmes doivent regarder en bas et les hommes doivent regarder en haut. Mais
tout le monde, enfin, peut-être pas, mais j’espère que tout le monde est curieux
de regarder partout. Pour se protéger, les femmes doivent regarder par terre ou
dans le vide, pour se protéger les hommes doivent regarder devant et dans les
yeux.
Je veux pouvoir regarder partout, je me
sens victime d’une injustice mais finalement nous sommes tous dans ce filet
d’injustice. Aucun de nous n’est réellement libre de regarder où il veut. De
regarder où ça veut. Il faut
respecter les normes, il faut pouvoir se protéger, il en va de notre survie.
Cela pullule d’interactions sociales à chaque battement de cils. A chaque pas
posé par terre. Je marche dans la rue et me dis que si je commence à ouvrir mon
manteau, ce geste pourrait avoir des significations différentes. Sur la grande
allée, je vois une femme accoudée à une voiture, elle parle à un homme qui est
à l’intérieur, elle est grande, a de longues jambes, des chaussures à talons
hauts roses, un short en jean très serré et un haut moulant rose.
Qu’est-ce qu’être une femme ? J’ai
25 ans, je me promène, non je marche dans la rue, je passe devant un kiosque à
journaux : une première de couverture, « les enfants
difficiles ». Je repense en une seconde à mon adolescence et ses
difficultés, à ma mère, à ses peines, à nos peines. Est-ce que des parents
laisseraient sortir leur fille habillée de cette façon ? Comment définir
cette façon-là de s’habiller ? Qu’est-ce qu’être une femme de 25 ans aujourd’hui, dans
cette ville dont je foule le pavé ? Puis-je pouvoir suivre des lignes
communes à une prétendue génération, qui serait la mienne ? Puis-je être
une femme, suis-je vraiment une femme ? C’est à moi de dessiner les
contours de l’âge adulte, de mon âge adulte, de ma maturité.
Je marche, je ne suis pas rassurée, non je ne suis pas rassurée. Je me rappelle l’explosion des pétards et des feux
colorés d’hier soir et l’impression d’éclatement de guerre, je ne suis pas
rassurée. Être une femme, c’est ne pas être rassurée, c’est être constamment
dans la peur et la crainte, dans l’acceptation de sa petitesse, on me regarde
dans la rue, puis on me lance un mot, un regard, un compliment mal placé, que
dois-je faire ? Comme si mon corps était constamment sollicité par la rue
et l’autre, constamment en instance de jugement et constamment en évaluation.
Être dans la rue, juste être, et être ignorée. Puisse-t-il être un rêve ?
Comment serait-ce vécu ? Peut-on vivre hors champ. Je crois que j’aimerais
être hors champ et n’apparaître que pour le bon. Me sentir utile au décor de
façon positive. Car je considère tout ce reste négatif.
Être une femme, c’est accepter d’être
secondaire. Être une femme, c’est se battre contre le fait de ne jamais être
secondaire. Être, c’est se battre. Je décide qu’être une femme, c’est se battre
pour avoir une parole digne et douée de convictions légitimes et être acceptée.
Être une femme, avoir 25 ans, c’est se battre pour être acceptée. Qu’importe le
prix. La victoire est celle de la réalisation de soi, de la délivrance des chaînes,
de l’accomplissement et la réussite.
je me suis permise de partager ton texte qui interroge la question du genre et celle du sexe. On peut dire que c'est d'actualité :)
RépondreSupprimerBonjour, avec plaisir. Où est-il partagé ?
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